Je me retrouvais à moitié à poil devant ma mère qui me toisait, comme à son habitude, d’un air glauque. « Bon maman, t’as compris ? Tu fais comme d’habitude, je rentrerais sans doute tard. Tu le fais bouffer, prendre son bain puis dormir à vingt heures, et t’es tranquille pour la soirée. Ca ira ? » Elle prend même pas la peine de me répondre et se dirige vers la cuisine pour préparer le repas de Jude. A la voir, c’est même plus de la culpabilité que je ressens, c’est la mort immédiate de mon amour propre. Je suis une fille horrible et une mère irresponsable. Et le pire, c’est que c’est pas ça qui m’empêche d’embrasser mon fils une dernière fois, de prendre une veste mon sac et de fermer la porte derrière moi.
Que ce soit clair ; je ne voulais pas aller à cette soirée. Mais ce message, il puait la défaite et le défi, et j’aurais tué pour une soirée, juste quelques petites heures loin de mon appartement et de mon travail. Juste un petit moment de détente, où la perspective de me bourrer la gueule était bien vue. Il m’en fallait vraiment pas plus que j’avais ressorti mes anciens amants ; mes paupières étaient fardés, un débardeur et un short enfilé. J’incitais pas à la luxure et c’était pas mon but : je voulais juste écouter de la musique, boire, danser, boire, boire, boire. C’était assez minable mais tant pis ; de toute façon, j’avais plus grand-chose à perdre.
Je ne mis pas longtemps pour repérer Albane et ce qui ressemblait à l’homme qui m’avait invité et qui, accessoirement, me prenait pour cible depuis qu’il avait découvert le bar dans lequel je bossais. Je souris lorsque je la vis sourire si intensément aux deux hommes, dans sa petite robe brillante, ces petites ballerines sages. Je les rejoins en quelques pas, lançant un regard froid –ce qui était devenu plus qu’habituel- à Sean. Quant à l’homme à ses côtés, je lui adressa un sourire rapide. Après tout, c’est lui qui allait fournir ma drogue de cette soirée, autant être aimable. « Déjà à l’attaque Al’ ? Je pensais pas que tu serais aussi rapide. » La voir me faisait plaisir ; au moins, je savais que je ne serais pas la seule à me bourrer la gueule à m’en taper le cul par terre. Quoi de mieux que se prendre une caisse entre meilleures amies ? Let’s go les enfants ; amusons-nous.

PARTY ROCK ANTHEM : Une soirée signée McCauley. Question : Mais qui était ces gens ? Assis devant mon vieux bureau, je regardais une nouvelle fois ce mail, cherchant à mettre des visages sur ce nom inconnu. Mc Cauley.. Mc Cauley. Je me triturais le cerveau mais au bout de 5 minutes d'intense réflexion, je fis choux blanc. J'étais invité à une soirée chez des personnes que je ne connaissais ni d'Eve ni d'Adam et curieusement, cela me donna encore plus envie d'y aller. J'envoyais un message à Kelsey-lou, lui demandant si elle avait reçu l'invitation et la réponse que je reçus fut positive. Apparemment toute la ville était conviée à cette fête/soirée/beuverie. Et évidemment, je serais de la partie. Je ne m’appellerais pas Raphaël si je manquais une occasion comme celle-ci : Alcool et bouffe gratuite, que demande le peuple ? Après une longue douche et une préparation plutôt sommaire de mes cheveux planté sur ma tête comme des épis de blés, j'enfilais un jean foncé, une chemise d'un gris/blanc, mes boots noirs à lacets et mes fidèles bretelles fétiche. J'étais prêt, à quelque exceptions prêts. A 4 pattes près de mon lit, je cherchais mon blouson de cuir des yeux avant que je ne sente une petite tape sur mon épaule. Je relevais la tête pour affronter le regard amusé de Charlie, qui nonchalamment, tenait mon bien d'un seul doigt. Sa petite tête d'ange et son sourire moqueur me fire lever les yeux au ciel. Gamine pensais-je en souriant. Je l'enfilais en quelque secondes tout en me dirigeant vers la cuisine, mettant mon portefeuille et mon portable dans mes poches. «Assied toi sur cette chaise jeune fille. Je dois te parler. » clamais-je en pointant tout d'abord Charlie, puis le tabouret en face de moi de l'index. «  Pas la peine de me faire ces yeux là, pose ton fessier sur cette chaise tout de suite. » repris-je en voyant dans ses yeux les étincelles d'une possible rébellion. Elle me fixa encore quelque minutes sans réagir, alors que de mon côté je commençais à perdre patience. Mais avant que je ne m'énerve pour de bon, elle souffla, traîna les pieds et posa UNE fesse sur ce putain de tabouret comme si elle avait peur qu'il le morde. Je secouais la tête sans commenter, de toute façon, c'était perdu d'avance. Je me servis une tasse de café puis relevais les yeux vers elle. « Je sors ce soir. Alors tu regardes la télé, tu repasse tes culottes, tu plies tes chaussettes, tu fais la vaisselle, tu laves la maison, tu écoutes de la musique ou tu fais du coloriage, je m'en fou, mais tu restes ici. Je risque de rentrer tard alors ne m'attend pas pour manger. Il reste des pâtes d'hier dans le frigo quand tu auras faim. Ne fait pas cramer la maison, c'est tout ce que je te demande. Oh et Kelsey va surement venir dormir ici ce soir. J'ai mon portable avec moi alors si tu as le moindre problème tu m'appelles. Sinon tu vas prévenir le vieux d'à côté. J'ai oublié quelque chose ?   » demandais-je en l'interrogeant. Mauvaise idée apparemment vue le regard qu'elle me lança. Oui bon, le coup du coloriage était peut-être de trop. J'étais peut-être un peu excessif. Pas que je ne lui fais pas confiance. On va juste dire que je ne lui faisais pas confiance à ce point-là.  J'haussai les épaules et vidais le reste de ma tasse dans l'évier. Je pris mes clés sur le plan de travail et ébouriffais ces cheveux. « Et si tu pouvais ranger ta chambre sa serait cool en passant » dis-je en lui tournant le dos et en me dirigeant d'un pas pressé vers la porte d'entrée. Je n'eus même pas le temps d'atteindre la poignet qu'un oreiller du canapé me faucha la tête. Putain, en plus elle vise bien ! Je levais une nouvelle fois les yeux au ciel en sortant de l'appartement. Pour rouvrir la porte quelque minutes après. « Et si tu pouvais faire la vaisselle aussi. » criais-je en y passant la tête. Je n'entendis rien, sauf un cri de rage terrifiant venant de sa chambre. J'éclatais de rire et courut jusqu'à ma voiture. En quelque minutes j'étais devant la maison. Il y avait déjà de la musique et plusieurs voitures étaient déjà dans l'allée. C'était plutôt une grande baraque, et elle le sembla encore plus lorsque je posais un pied à l'intérieur. Je ne fus pas vraiment étonné de voir Albane et Raven. Elles non plus n'allaient pas rater une occasion pareil. J'envoyais un message à Kelsey pour la prévenir que j'étais déjà arrivé et m'approchais des filles. « L'alcool est interdit pour les mineurs. Vous êtes au courant ? »

Samara tournait en rond depuis au moins une heure, elle n’avait rien à faire de sa soirée ou du moins elle avait eu comme projet d’aller à une soirée mais ses grands-parents n’avaient pas eu l’air enchanté de cette idée lorsqu’ils avaient su ses plans. Ils connaissaient leur petite fille et savait pertinemment que si elle sortait, ce n’était pas pour y aller sagement, voir les autres danser coller serré alors qu’elle serait dans un coin à boire un jus de fruit. Non ce n’était pas elle du tout, c’était même bien l’inverse et ses grands-parents qui avaient sa garde depuis son arrivé ici le savaient malheureusement très bien. C’était sans doute cela qui les différencié de ses parents, si avant il aurait fallu qu’elle fasse ses beaux yeux avec un beau sourire pour qu’on lui accepte le moindre de ces désires, aujourd’hui s’était différent et même si les tentatives de trouver des arguments pour y aller avaient été nombreux, leur non avait été catégorique.

Seulement, après avoir reçu des sms des amis à elle pour savoir si elle était déjà à la soirée des McCauley, elle se décida à agir, ce n’était pas ses grands-parents qui allaient lui interdire d’y aller. Alors elle se fit toute discrète et réussit à passer par la porte sans qu’ils ne s’y aperçoivent et l’histoire était réglée. Les frères McCauley habitaient dans la même rue alors elle n’eut même pas besoin de prendre sa voiture pour y aller et y fut très vite arrivé. La fête pouvait enfin commencé car la belle Samara Williams était présente et comptait bien s’éclater.

Vêtue d’une simple serviette de bain, après être sortie de la douche. Je me trouvais être en pleine réflexion face à mon lit où j’avais posé les quelques tenues que j’avais retenue pour la soirée. Oui, cette fameuse soirée dont tout le monde parlait depuis quelques jours, comme-ci celle-ci paraissait être « la soirée de l’année. » Bref, en quelque sorte la soirée à ne pas rater. En tout cas c’est l’impression que les gens m’avaient laissée depuis ces derniers jours. J’avais comme pas mal de monde reçu moi-même un message qui m’informait du lieu de la fête et de qui l’organisait. Ainsi, celle-ci était signée comme le message le stipulait « McCauley. » Personnellement, je ne les connaissais pas. Mais ce n’était pas vraiment grave. Généralement dans ce genre de fête plus de la moitié ne connaissait pas qui avait organisé la fête. Et qui sait ? J’aurais certainement l’occasion de les croiser la bas ou du moins voir à quoi il ressemblait. Puisque en effet, j’avais décidé d’y aller accompagnée de Lorenzo qui s’y rendait également. Une petite soirée n'allait pas nous faire de mal. Enfin...non même à moi, j'avais assez de self-control pour. Mais, pour que je m’y rende il fallait déjà que je trouve ce que j’allais me mettre sur le dos. Je ne savais pas vraiment si je devais opter pour un pantalon, une robe, un short. J’étais plutôt paumée. Lorsque Neal fit soudain irruption dans ma chambre en me lançant d’un air taquin : « Dit-donc t’es toujours pas prête ? Tu va y passer la nuit ou quoi ? Ah les nanas, toutes les mêmes ! » Je lui adressa un jolie grimasse et poussa un soupire avant de lui demander : «  Bon, jean, short, robe ou jupe ...? » Alors sa réponse fusa : « Robe ! Sans hésitation, la petite noire que tu as sortie est pas mal. » Prenant sa réponse en compte, j’attrapai donc la petite robe noire sur mon lit, qui se trouvait encore sur un cintre et la mit devant moi tout en me dirigeant vers le miroir. C’est vrai qu’elle était pas mal. Pas trop courte, ni trop moulante bref juste comme il fallait. Sexy mais pas provocante classe sombre ; bref simpliste mais très bien. J’allai donc dans la salle de bain afin de l’enfiler tout en demandant à Neal s’il ne voulait vraiment pas venir. Il me confirma que non et qu’il était crevé ce soir, il préférait se poser devant son match de foot avec une bonne bière et une pizza.  Je sorti enfin, tout de même un peu déçu qu’il ne vienne pas et me résolu n’insistant plus, l’ayant fait durant toute la soirée. Tandis que je me dirigeais vers la penderie pour enfiler mes escarpins à talon compensées noir. J’étais déjà maquillée et avait simplement défait mes cheveux. Alors Neal me demanda, tandis qu'il jouait avec l'un de mes coussins, si je voulais  qu’il me dépose pour se faire pardonner le fait qu’il ne venait pas. Mais je lui répondis que ce n'était pas nécessaire même si c'était gentil. Je pouvais y aller toute seule. Alors, j’attrapai mon sac et descendis les escaliers Neal sur mes talons. Lorsque celui-ci me demanda l’air plutôt inquiet : « Tu es sûr que ton copain est déjà la bas ? » Je me retournai en souriant l'air sereine et lui répondis que oui. Alors il ajouta : « Bien…parce que sinon je serais venu pour t’éviter d’être trop tenté en l’attendant. Bref, fait gaffe à toi petite tête ! Si tu fais une connerie t'aura affaire à ma fureur légendaire ! Souviens-toi l'alcool et les substances ne sont pas tes amis. » Il explosa de rire, bien que je savais que sous cet avertissement plein d'humour, il était réellement inquiet pour moi et craignait que je sois trop tentée jusqu'à plus me contrôler et que finalement je replonge. Étant donnée mes antécédents de droguée et d’alcoolique c’est sûr que se rendre à cette soirée n’était pas l’idéal.  Mais j'étais forte et puis je n'avais absolument pas de raison de replonger, j'avais dépassé toute cette m** et j'allais beaucoup mieux à présent. Pas complètement certes ... mais j'allais mieux, déjà mieux qu'à l'époque. Et puis, Lorenzo sera là, donc tout irait bien, toutefois il est vrai que sa présence me rassurait. Enfin, je voulais tout de même qu’il profite de sa soirée et qu’il ne joue pas les baby-sitter avec moi. Je disais plutôt cela dans le sens que …je n’éprouverais pas le besoin de boire excessivement ou de prendre n’importe quelle substance susceptible de me faire planer. Car, quand il était avec moi ...c'était niais comme tout je vous l'accorde mais je planais déjà comme une malade, shootée à son contact, à son odeur à son rire ...à lui tout simplement. Bref, je finis donc par l’enlacer, attendrie par son inquiétude et le rassura : «  Ne te fais pas, tout ira bien … je sais me contrôler.» Je l’embrassai sur la joue et lui dit au-revoir avant de filer et de prendre la route. Ayant tout de même quelques appréhensions que j’étouffais sans scrupules, en montant la musique à fond dans l'habitacle et en me concentrant sur la route mais aussi sur celle-ci. Au moins, je me mettais dans l'ambiance. Enfin bref, j’arrivai enfin à l’adresse indiquée, la maison était plutôt aisé à reconnaitre en vue des multitudes de voitures qui se trouvaient devant, des gens sur le perron et de l’écho de la musique. Je trouvai une place deux maisons plus loin et descendis de la voiture. Je pris une grande inspiration, tira légèrement sur ma robe et envoya un sms à Lorenzo : « Hey mon amour. Je viens d’arriver. Où-es-tu ? » Je me dirigeai ensuite vers la maison avant de m’engouffrer dans celle-ci, la musique battant mes tympans. Cherchant Lorenzo ou quelqu’un qui m’était familier. Sentant déjà de légères effluves d’alcool mélangeant à l'odeur du tabac (ce qui me donna au passage l'envie de m'en griller une). Je ne donnais pas cher d’une autre pièce où à mon avis ça ne serait pas seulement de l’alcool et de l'odeur de la fumée de clope que je sentirais dans l'air.

 

« Party Rock Anthem »

Enfin, une grosse soirée en perspective. Depuis qu'il s'était levé, Isaac n'attendait plus que ça, histoire de s'échapper de tous ses soucis et cette mauvaise ambiance qui l'entourait. Pas seulement du mauvais caractère de sa petite sœur qui lui reprochait encore son absence, ni de celui moins visible de Camélia qui ne croyait pas une seule seconde qu'il resterait réellement à Winnipeg, mais surtout de la nouvelle qu'il avait appris de Raven et qui triturait son esprit. Il avait beau avoir voulu l'ignorer, ne pas s'impliquer et faire comme si rien ne s'était passé, il ne pouvait pas s'empêcher d'y penser malgré tout. Mais là, cette soirée allait être le prétexte parfait pour tout oublier le temps d'une nuit et il remerciait les frères McCauley pour ça. Une fois rentré de son boulot, il avait pris une douche en vitesse, enfilé un jean, une chemise décontractée et sa veste Teddy puis avait pris davantage de temps pour coiffer ses cheveux dans un style tout à fait étudié. Il rangea son paquet de cigarette, son portable et ses clés dans sa poche et claqua la porte de la maison pour se rendre seul à la soirée des McCauley. Camélia lui avait dit qu'elle irait se préparer chez sa meilleure amie et qu'elles partiraient de là-bas et Skyler, comme à son habitude depuis quelques jours, ne lui avait pas adressé le moindre mot quant à la soirée. Qu'importe, il n'y allait pas pour passer une soirée familiale mais pour s'éclater comme il le fallait. Surtout que Sean lui avait dit que les McCauley avaient l'habitude de faire les choses en grand, et Isaac était impatient de voir si ils étaient aussi fêtards que la réputation le disait.

Et il n'était pas déçu. À peine arrivé, il entendait la musique résonner à l'extérieur comme à l'intérieur de la maison, et sur le palier, il aperçut Aaron qui annonçait le début de la soirée alors que la musique monta d'un cran mené par un DJ en folie, et que les serveuses en sous-vêtements et serveurs torses-nus débouchèrent le champagne à l'unisson. Une serveuse lui tendit une coupe qu'il prit avec plaisir non sans jeter un coup d’œil à ses fesses pendant qu'elle s'éloignait, des danseuses tout aussi dévêtues se trémoussaient sur les podiums. C'était parti. Sean n'avait pas menti, cette soirée valait le détour. Il l'apercevait au loin en compagnie de deux jeunes femmes de dos, ce qui ne l'étonnait pas le moins du monde, et décida d'aller le saluer. « Vous avez fait les choses en grand. Pour le plaisir des yeux. », dit-il en riant en montrant du doigt les serveuses en petites tenues avant de boire une gorgée de son champagne. Puis, il se retourna vers les deux inconnues dont une n'était pas si inconnue que ça. Et merde, Raven. Qu'est ce qu'elle foutait là ? La surprise avait du se lire sur son visage mais il reprit rapidement une contenance en cherchant des yeux une échappatoire. Hors de question qu'il reste à lui parler, il n'avait rien à lui dire. Les mots qu'elle lui avait balancé lui restait toujours au travers de la gorge. Il voyait sa sœur en compagnie de celle qui devait être sa meilleure amie, et qui lui disait vaguement quelque chose d'ailleurs, mais pas moyen que Camélia ne lui serve de subterfuge. Si elle l'apprenait, il était foutu. Il aperçut Nina, son ancienne amie, qu'il n'avait pas vu depuis trois ans en l’occurrence, et se disait alors que les miracles existaient.

Je lançai un regard faussement amer à Raphaël et dit, sarcastique : « Je ne répondrai pas à la remarque d’un mec qui a un âge mental comparable à celui de mon fils. » Tiens, lui aussi, j’étais plutôt contente de le voir. Tout le monde était beau, tout le monde semblait être présent pour une bonne raison : apprendre, le temps d’une soirée, qu’une bouteille était la seule et unique solution pour rendre heureux un homme normalement constitué. Enfin, c’est ce que je me disais, moi. Je lançai un coup de coude dans les côtes de Raphaël, joueuse, avant de chercher des yeux mon/mes futurs biens, en outre, une bouteille pleine et ses petites copines. La salle se remplissait, l’ambiance montait ; l’atmosphère était atrocement chaude, comme si l’on attendait seulement que quelque chose nous pète à la gueule pour pouvoir se déchaîner comme des bêtes. Cette soirée s’annonçait bonne, foutrement bonne parce que mère de ce que je m’étais privé depuis un peu trop longtemps ; d’alcool, de musique forte à s’en saigner les tympans et de beaux petits culs qui défileraient devant mes yeux pendant les heures à venir. Juste ce soir, j’oubliais Jude, les corvées, ma mère, mon boulot, les pleurs et les crises. Juste ce soir je me détendais et putain c’que ça allait me faire du bien.

Et la fête commença, donc. Celui qui se présenta comme étant le frère de Sean lança le signal d’appel et le feu d’artifice commença : danseuses –rien que ça, musique, alcool. Ô merci mon dieu, alcool. Il coulait à flot le salop ; y avait plus de bouteilles que dans la réserve de mon bar et c’était pas peu dire. J’étais d’accord pour dire que cette soirée était sans doute la meilleure à laquelle j’ai jamais participé rien qu’avec les bouteilles qui brillaient. Enfin, ç’aurait pu l’être. « Vous avez fait les choses en grand. Pour le plaisir des yeux. » Habituellement, j’aurais pas fait attention à cette réplique de mec pré-bourré si cette voix n’avait pas été celle de Paul. Paul, putain Paul. C’était même pas la peine de me demander ce qu’il foutait là ; il était désormais habitant de Snowflake Lane autant que moi. Et rien que cette affirmation me noua l’estomac ; mes intestins faisaient un remake de la seconde guerre mondiale quand ses yeux croisèrent avec stupeur – et c’était pas franchement pour me déplaire- les miens. Puis, son regard quitta le mien pour visiblement chercher un visage amical, un de ceux qui ne seraient pas capable de le tuer. Et puis merde, j’en avais absolument rien à foutre. Il avait été clair, je l’avais été, tout coulait de source, c’était la folie, il ne me manquait que des bulles dans la gorge pour fêter ma vie sociale et familiale chaotiques. J’attrapai le premier verre qui vint à quelques centimètres de mon nez qui, par un accident dont je ne saurais vous expliquer la cause et les détails, vint lamentablement s’échouer sur la chemise de l’homme le plus proche de moi. Par conséquent et par le plus grand des hasards, Paul. « J’te dirais bien que c’était pas calculé mais en fait, j’m’en fous. » Ma main vint s’égarer sur le plateau d’un serveur pour y trouver, ô bonheur, une bouteille, que j’attaquai tout en adressant un dernier sourire mielleux au brun. Il avait raison le coquin ; les serveuses étaient plutôt bonnes ce soir.

Arrachant mes écouteurs de mes oreilles, je remontais l'allée qui me menait à notre maison familiale en marchant, essoufflée après le jogging que je venais de faire. Seulement équipée d'une bonne playlist et de ce qu'il me restait de motivation, j'étais partie près d'une heure et demi plus tôt de la maison déserte, et avait profité pour une fois comme je l'entendais de mon jour de repos. Tout en m'étirant, je récupérais mon téléphone resté sur la table haute de la cuisine, et consultais les messages reçus pendant mon absence. Ma sœur avait un entraînement de cheerleading imprévu à la fin des cours, mon partenaire de secouriste m'annonçait que notre garde du lendemain avait été inversée avec l'équipe de jour, et Kelsey me proposait de passer la soirée à ses côtés, au cours d'une fête organisée par la fatrie McCauley. Soupirant à cette pensée, je grimaçais en pesant le pour et le contre suite à sa proposition : passer la soirée avec ma meilleure amie que nos emplois respectifs tenait un peu trop souvent éloignée de moi, mais devoir supporter la présence de Sean, ou bien rester tranquillement à la maison devant un film, mais louper une occasion de m'amuser au côté de la belle brune. Cruel dilemme.

Toujours en pleine réflexion, je filais sous la douche, cherchant la meilleure chose à faire. A peine sortie de la salle de bain, je m’emballais dans une serviette, et répondais à Kelsey que j'étais partante, le fait qu'on ne se soient pas vues depuis trop longtemps ayant eu raison de mes quelques réticences. Prenant un large sac, je fourrais dedans tout ce qui me serait nécessaire pour me préparer, et m'habillant du premier jean qui me passait sous la main et d'un sweat gris, je grimpais en voiture puis me dirigeais vers l'appartement de la jeune médecin, puisque nous nous étions mises d'accord sur le fait de nous préparer ensemble. Ce fut un large sourire sur les lèvres que la demoiselle m'accueillit chez elle, et comme souvent lorsque nous décidions de sortir ensemble, nous rejoignirent sa chambre, où vautrées sur son lit, nous racontions à l'autre tout ce qui nous était arrivé depuis la dernière fois où nous nous étions vues. Comme toujours lorsque j'étais avec elle, le temps fila bien vite, et il nous fallu très vite nous préparer pour la fameuse soirée. J'avais opté pour une robe noire sans prétention, qui m'arrivait à mi cuisse, et dont le dos était décoré de dentelle aux motifs floraux, et des escarpins noirs tout simple. J'avais toujours l'habitude de dire qu'il ne suffisait pas de porter une robe signée d'un grand tailleur, ou d'être maquillée comme une voiture volée pour se faire remarquer, et j'étais plutôt adepte des maquillages discrets qui faisaient assez naturels. C'est donc les cheveux légèrement ondulés, et le regard uniquement maquillé d'eye liner que je me présentais une petite heure plus tard aux côtés de Kelsey, divine dans sa robe rose, au domicile des deux frères.

Je ne pus retenir une moue sur le pas de la porte, moue qui se transforma en sourire lorsque je sentis mon amie me tirer à l'intérieur, celle-ci connaissant mon affection toute particulièrement pour Sean. Haussant un sourcil en voyant l'ambiance général – serveuses en sous-vêtements, et serveurs tout aussi peu habillés - je taisais le commentaire qui me montait aux lèvres, et attrapais la coupe de champagne tendue par ma cavalière avant de lui faire un large sourire :

« -Oui, tu as raison ! Et au pire, si on s'ennuie, on pourrait toujours aller passer le temps avec un de ces serveurs à moitié nu ! » répondis-je ironique, tout en portant ma coupe à mes lèvres.

Tout en buvant quelques gorgées, je tentais de voir qui je connaissais déjà, me préparant pour la soirée qui ne faisait que commencer. Quelques têtes connues retinrent mon attention, mais j'étais malgré tout ravie à l'idée de pouvoir me mêler à des étrangers le temps d'une soirée, le temps de rire un peu, de danser jusqu'au bout de la nuit, de partager une bouteille de vodka, et quelques souvenirs qu'on aurait oublié au petit matin.

 

« Party Rock Anthem »

Il était prêt à avancer vers son ancienne amie, qui pour ce qui était semblait déjà profiter de la fête au maximum. Elle enfilait les shoots avec Aelya ce qui était sans doute la meilleure des choses à faire. Il avait bien besoin de prendre quelques shoots lui-aussi, quand il sentit sa chemise mouiller son torse. Raven venait de l'asperger de champagne, et si habituellement, cela ne l'aurait pas dérangé plus que ça vu que cela arrivait souvent lors des fêtes bien arrosées, Isaac sentait soudainement que ses nerfs lui jouaient des tours. Et la réflexion de la jeune femme n'arrangeait pas les choses. « Putain, mais tu peux pas faire attention. C'est ça, c'était pas calculé. ». Pauvre conne. Il tira un peu sur sa chemise pour examiner les dégâts avant de la relâcher en haussant les épaules. De toute façon, il n'y avait rien à faire, juste à attendre que ça sèche. Au pire, il l'enlèverait, ce ne serait pas choquant vu la nudité des serveurs, serveuses et danseuses, et il était presque certain qu'au final, il ne serait pas le seul. Il jeta un regard noir à Raven alors qu'elle buvait de l'alcool à la bouteille non sans lui adresser un sourire hypocrite, comme elle savait si bien les faire, ce qui ne fit que l'énerver davantage. Lui jeter son champagne à la figure n'était pas une bonne chose, surtout qu'il avait un goût bien trop exquis pour être gâché. À la place, il lui adressa le même sourire, légèrement plus mauvais, avant de boire une gorgée de son champagne. La meilleure des ripostes était certainement l'indifférence sauf qu'Isaac n'était pas très doué dans ce domaine, préférant largement en remettre une couche plutôt que de la laisser avoir le dernier mot. « Et le gamin, il est là aussi ? Avec une mère comme ça, il doit commencer tôt. À moins que tu ne l'ai laissé à ta droguée de mère ? Quoique ça reviendrait au même. ». Outch, terrain glissant, sujet risqué, zone dangereuse, péril assuré, demi-tour recommandé.

Rien qu'à ses yeux, il sentait qu'il était allé beaucoup trop loin, elle ne s'y était sans doute pas attendue à celle-ci et elle ne laisserait certainement pas passer une remarque de ce genre. Isaac s'attendait même à ce qu'elle le frappe, à moins qu'au jeu de l'indifférence, elle soit plus forte que lui ce qui était à espérer. Ce n'était pas la peine de créer un conflit au milieu de la fête alors qu'elle ne venait à peine de commencer. Isaac n'était pas assez saoul pour ça. Il ne savait même pas comment il en était arrivé là, à évoquer le gamin alors que c'était certainement la dernière chose dont il avait envie de parler. Il avait juste voulu la blesser, c'était réussi, mais à quel prix ? Isaac ne voulait pas le savoir, il prit Raven par le bras pour l'éloigner un peu de la foule qui les entourait. « J'ai pas l'intention de m'engueuler avec toi. Pas ce soir. Donc je vais gentiment aller faire un tour ailleurs, et tu vas ignorer ce que j'ai dit, m'ignorer tout court d'ailleurs. Comme ça, il y aura plus de chance qu'on passe une bonne soirée et que la fête ne soit pas gâchée. », dit-il en voyant qu'elle ne semblait pas vouloir en rester là. Normal en même temps vu ce qu'il lui avait lancé à la gueule. S'attaquer au gamin était certainement le point le plus pitoyable et le dernier point d'ailleurs auquel il aurait dû s'attaquer, sans parler du fait qu'il avait tout cumuler, affronter Raven, critiquer sa mère. Bien joué Isaac. Il attrapa au passage deux coupes de champagne, une qu'il bu d'un coup sec avant de la reposer et de faire de même avec la deuxième. Finalement, il prit la bouteille et envoya balader le serveur de la main avant de croiser les bras devant Raven, prenant une bonne inspiration. Dans l'idée, il allait l'écouter sans broncher, attendre qu'elle finisse puis s'en aller, enfin ça, c'était l'idée de base, pas sûr qu'il arrive à la tenir. La meilleure possibilité était qu'elle se casse sans rien lui dire, parce qu'il n'en valait pas la peine, pas sûr qu'elle réussisse ça non plus.

Alors, de un, j'y étais pour que dalle. Je ne compris ce qui s'était passé lorsque je vis le visage goguenard de Sean McCaulay -mon hôte, ce qui m'empêcha d'avoir une quelconque réaction je présume – après m'avoir gracieusement caressé le bas du dos. Le haut des fesses. Voyez ça comme vous voulez ; mon verre éjecté ne fut qu'une réaction de surprise mal-placé. Il pouvait s'estimer heureux de ne pas avoir reçu une bouteille, le bougre, il s'en sortait foutrement bien. Chose qu'il n'avait pas l'air d'avoir compris lorsque ses yeux, aussi mauvais que les miens, me prévinrent de sa réplique. Qu'il touche à ma mère passe encore ; j'avais toujours été la première à la critiquer, malmener, insulter, dégrader par mes mots d'adolescentes ingrats et blessés. J'avais toujours été la fille écorchée qui s'était jurée de ne jamais montrer sa figure maternelle, ses origine, le taudis dans lequel elle avait vécu. J'étais une salope, un monstre de fierté. Il le savait, je le savais. S'il s'était arrêté là, je n'aurais peut-être pas eu l'envie de répondre, de lui cracher à la gueule ses vérités alors qu'il ne se gênait pas pour étaler les miennes. Comme je l'avais fait. Comme il me semblait qu'on le ferait toujours, à présent. Comme s'il ne restait plus que ça, de lui, de moi, de nous. C'était pathétique, surtout venant d'anciens amants, d'anciens amoureux, d'anciens amis. C'était mal et c'était inévitable. Parce que, lorsque l'amour avait fait place à la rancoeur et l'amertume, nos caractères similaires n'auraient pu créer autre chose. Parce que c'était comme si on était fait pour se détester passionnément, pour se haïr fiévreusement.
Jude ne passa pas ; Jude ne passerait sans doute jamais. Simplement parce qu'il était la seule chose qu'il me restait, la seule personne qui m'empêchait de finir comme ma mère, comme les alcolos de mon bar, comme la droguée que je redeviendrais. Parce qu'il était là quand personne ne l'était ; parce qu'il était sans doute le seule principe qu'il me restait. Et parce que, putain, je l'avais pas fait toute seule mon gosse et que ce con ne faisait que mettre en valeur ses propres erreurs. Je n'eus pas le temps de répondre, de réagir, de lui envoyer mon poing dans la gueule, de lui faire bouffer quelque chose. Je ne sus même pas quoi faire lorsqu'il me toucha, à part me dégager violemment. C'était comme s'il m'avait tiré à l'écart, comme une enfant qu'il allait gentiment gronder ; comme si c'était moi, la seule irresponsable ici, et qu'il serait bon que je cesse mes conneries. Ou pas d'ailleurs ; j'avais peut-être perdu ma déjà faible résistance à l'alcool depuis ces trois dernières années et il semblait reconnaître ses vieilles amantes de toujours ; l'immaturité et la colère. Je mis un temps à lâcher mes mots, à préparer mes armes, à le fusiller du regard comme si mes pupilles étaient capables de le faire se sentir aussi mal que j'avais pu l'être, quelques secondes auparavant jusqu'à ce que je me rende compte que j'en avais pas envie. J'aurai pu l'envoyer engrosser une autre en l'incendiant, en criant, en hurlant de ne plus jamais reparler de mon fils et de mes déboires. De ne plus jamais parler de ce qu'il ne serait jamais capable d'assumer, de ses responsabilités, de son erreur autant que la mienne. J'aurai pu l'insulter, le frapper à en saigner mais je n'en avais simplement pas la force. Pas ici, pas maintenant, jamais peut-être. Je me foutais que ses mots aient dépassés sa pensée ; je n'avais plus rien à foutre de son état d'âme. Au moins pour ce soir, je préférais garder de lui l'image que j'avais conservé pendant trois ans pour recommencer à le maudire à mon aise demain matin. Quand ma tête serait encore plus douloureuse que mon cœur. Quand vomir serai plus douloureux que de penser à ce qu'il était devenu dans mon existence minable.

« Isaac, c'est ça ? Je préférais Paul. Y a une époque où le plus mature entre lui et moi, ça restait lui. Je vois que ça aussi, ça a changé. »

J'étais calme.J'étais anormalement calme. La soirée m'a semblé beaucoup plus superficielle, l'alcool beaucoup moins attractif. J'étais presque lassée, déjà. Comme une envie de m'abandonner dans les bras de n'importe qui, dans les verres d'un autre, et dans les yeux de n'importe quoi. Je m'en foutais. Irréfutablement. Plus rien n'avait plus d'importance en cet instant. Même pas qui j'étais et ce que je deviendrai pendant les heures qui suivraient.
Je pris de ses mains la bouteille qu'il avait attrapé, ayant abandonné la mienne plus loin, lui offrit un autre sourire, gardant la superficialité de la situation et m'éloigna, cherchant Albane du regard. Et dire qu'une soirée nous avait uni. L'ironie me donnait envie de mourir ce soir.