RESUME DETAILLE :

"Winnipeg..." murmura-t-il en regardant l'endroit où son doigt venait de se poser. Assis dans la chambre de son meilleur ami, Josh contempla pendant de longues secondes la mappemonde qui venait de choisir pour lui son funeste sort.

« Le Canada ? » s’étonna Oliver, posté derrière lui. « Ok, elle aurait pu t’emmener encore plus loin, mais ça fait quand même une trotte le Canada ! C’est pas la porte à côté, mec ! »  Josh ne pouvait pas voir son meilleur ami mais il se l’imaginait en train de se mordre la lèvre inférieure en ce moment même. C’était toujours une chose qu’Oliver faisait quand il était nerveux. Ou stressé. Ou quand il avait envie de pisser. Ou quand il voulait lui dire une chose qu’il savait qu’il n’allait pas aimer entendre. Bref, il le connaissait trop bien. C’était ça être meilleurs potes depuis l’enfance et de squatter quasiment tous les jours chez l’un ou chez l’autre.

« Merde… Le Canada… T’es sûr de ce que tu fais là, Josh ? » Au bruit qu’il entendait, Josh savait qu’Oliver venait de s’asseoir sur son lit. Il avait sûrement ressenti le besoin de s’asseoir après avoir compris qu’il allait partir à des milliers de kilomètres de Houston. Le choc de la nouvelle sans doute. Lui-même en restait sans voix depuis une bonne minute. Ouais, le Canada. C’était vraiment pas la porte à côté, c’était peu de le dire… ! Il détourna ses yeux de la mappemonde et pivota sur sa chaise afin de faire face à son ami. « J’en sais rien… Mais c’est là où je vais aller. Je me suis promis d’aller là où elle a décidé de m’emmener. Winnipeg, here I come ! » finit-il dans un rire qui sonnait faux même à ses propres oreilles.

Oliver baissa la tête, se frottant machinalement les mains. « Ça craint ce qui est en train de t’arriver, Josh... J’veux dire… Merde quoi ! Si je la tenais entre mes mains, je la charcuterais en mille morceaux et la balancerais aux rats dans les égouts, cette garce ! Et encore, les rats ne méritent même pas qu’on leur donne une telle merde à bouffer ! J’te jure, je… Aaah putain, ça me gave que tu te casses à cause de cette conne ! Tromper un mec comme toi ! Qu’est-ce qui lui a pris à cette bouffonne ! Alors qu’elle sait à quel point t’étais amoureux d’elle ! T’as mis quatre ans à l’avoir ! Quatre putain d’années ! Et elle, elle te trompe avec le premier venu ? Elle est sérieuse là ?!»

Josh laissa s’écouler quelques secondes puis esquissa un sourire triste. Devait-il le dire à son meilleur pote ou non ? Il était tellement en colère contre lui-même, contre tous les événements de cette soirée qu’il ne savait plus trop où il en était. « Je t’ai pas tout dit… » avoua-t-il finalement en regardant son ami droit dans les yeux. Il chercha comment lui annoncer ça sans le tuer sur place. Mais ce n’était pas le fort de Josh de prendre des pincettes… « Quoi ? » demanda son ami qui s’impatientait.

« Le mec avec qui j’ai surpris Cassie… »

« Ouais, et bien ? »

« C’était mon père. »



Il savait parfaitement qu’il était un crétin fini de tout claquer comme ça sur un coup de tête. Partir en pleine année scolaire alors que les exams pour sa licence n’étaient plus que dans deux mois ! Ce n’était pas son genre d’habitude de fuir quand un obstacle s’élevait face à lui mais là, franchement, c’était trop pour un seul homme. Et le pire dans tout ça ? Il n’avait rien vu venir. Pourtant, il y avait des signes qui ne trompaient pas : sa mère qui est partie du jour au lendemain de la maison. Il avait surpris la fin de leur dispute et avait clairement compris que son père l’avait trompée et que sa mère l’avait pris en flag’. Autant dire que l’ambiance à la maison était devenue tendue. Sa mère lui avait dit qu’elle ne partait que quelques temps, prenant comme excuse le fait qu’elle devait s’occuper de sa mère, mamie Helena, admise à l’hôpital depuis peu. Ca faisait trois mois et elle n’était toujours pas revenue à la maison. Cassie qui prétextait constamment devoir réviser et qui remettait toujours à plus tard leurs rendez-vous. Son père qui partait tôt le matin et qui rentrait tard le soir quand il pensait même à rentrer tout court. S’il avait su lire entre les lignes, peut-être que le choc aurait été moins rude. Moins rude que de voir son père culbuter sa petite amie alors qu’il lui rendait une visite surprise à son appart’…

Josh secoua la tête, comme pour chasser ces pensées de son esprit. Non, il ne voulait plus penser à ça. S’il avait pris sa vieille caisse direction le Canada, ce n’était pas pour ressasser ces derniers moments au Texas. Il voulait tirer un trait sur tout cela, tirer un trait sur Cassie, son père, et recommencer à zéro. C’est pour ça qu’il était à Winnipeg désormais. Pour repartir du bon pied.

Arrivé dans le centre-ville, Josh se gara et prit son premier repas chaud depuis trois jours. Dire qu’il lui avait fallu trois putain de journées pour faire Houston-Winnipeg ! Crevaison, Panne d’essence, sa voiture lui avait fait toutes les misères du monde ! Il avait fallu faire remplacer l’embrayage qui avait pété et filer cent cinquante dollars à un escroc de garagiste… ! Voilà qui avait bien amputé ses économies déjà bien maigres. Mais il était arrivé à bon port. Et la vue lui plaisait.

Il ne s’était pas imaginé Winnipeg comme ça. Pour lui Winnipeg, c’était une sorte de village, un mélange entre l’univers de Winnie l’Ourson et Peggy la Cochonne. Mais en fait, c’était une ville pas mal peuplée. Il lui semblait être si minuscule au pied des imposants gratte-ciel qu’il était resté la tête en l’air et avait fini par se manger un poteau en pleine tronche…. ! (eh ! on se marre pas, non mais... !) Il adorait déjà le quartier chinois, kiffait à mort l’esplanade piétonne qui surplombait la rivière.

Mais son véritable coup de foudre, il l’a eu en entrant dans un quartier reculé de la ville. Le panneau indiquait « Bienvenue à Snowflake Lane » et il ne savait pas pourquoi, mais Josh avait adoré de suite ce nom. Ca sonnait, comment dire… Il n’arrivait pas à mettre de mots sur ce qu’il ressentait mais il savait pourtant une chose. A peine avait-il mis un pied dans ce quartier qu’il sut que c’était là qu’allait avoir lieu son nouveau départ…


Ça faisait une semaine qu’il était arrivé et c’était vraiment la merde. Il avait passé ses journées à chercher du boulot, n’importe quoi qui lui aurait permis de gagner un peu de fric. Parce que ça devenait urgent. Les cent dollars qui lui restaient en poche en étaient la preuve cinglante.

« Ça craint… » fit-il en remettant son portefeuille dans sa veste de jogging. Il jeta un regard circulaire autour de lui. Ils s’étaient cachés, lui et sa voiture, sous un vieux pont hors de la vue de tout le monde. Ca faisait quatre jours qu’il s’était mis ici, à l’abri des regards. Parce qu’il ne voulait pas qu’on le voie ainsi. Il ne voulait pas qu’on le prenne pour un clochard. Et pourtant, c’était ce qu’il était en train de devenir, lui qui dormait depuis quatre nuits dans sa vieille voiture sans chauffage.
Comme seul horizon, il voyait les toits des maisons parfaites de Snowflake Lane. Il touchait du doigt le paradis et pourtant, il avait l’impression qu’un gouffre énorme le séparait de ce quartier si parfait.

« Ça craint vraiment… »

Et il ne voyait pas trop comment faire pour se sortir de cet enfer dans lequel il s'était lui-même fourré...