« La haine et l'amour sont si proches. La passion nous charrie sans ménagement de l'une à l'autre. La haine serait-elle donc la plus violente, la plus exacerbée des formes de l'amour ? »

Cible en vue.

A peine rentré du travail, Aaron devait très vite se préparer pour une soirée mondaine organisée par Elite, venue présenter un de ses nouveaux talents en ville. La fortune du beau blond lui valait toujours quelques cartons d'invitation pour ce genre d’événements. Généralement, il s'y rendait avec une belle plante à son bras mais ce soir, il n'avait pas envie d'appeler qui que ce soit, de rappeler une de ses conquêtes et de la présenter au monde comme sa petite amie alors que tout le monde savait qu'il était sans attache. Et puis, de toute façon, il ne comptait pas rester bien longtemps, une apparition pour honorer l'invitation, un verre ou deux et retour à la maison.

Une trentaine de minutes plus tard, douché, vêtu de son costard Dior acheté quelques jours plus tôt, parfumé de son précieux "Nuit de l'homme" d'Yves Saint-Laurent, le tombeur de ces dames était prêt à faire son entrée dans une salle des fêtes métamorphosée pour la soirée. Les murs étaient drapés, des fontaines avaient faire leur apparition, on ne reconnaissait plus l'endroit et c'était tant mieux car il était vraiment loin d'être chic à la base. Ceci étant, tous ces vieux bourgeois donnaient déjà la gerbe à Aaron, qui préférait de loin une bonne bière et une pizza à une coupe de champagne et des petits fours. Il ressemblait à un homme d'affaire dans son costume, le genre de type à sortir des cartes de visite à tout bout de champs et à serrer des mains en espérant tomber sur un gros contrat. Lui, le seul contrat qu'il pouvait espérer, c'était celui d'une nuit en charmante compagnie s'il trouvait chaussure à son pied. La plupart de ses jeunes femmes devaient être des mannequins, elles étaient toutes très jolies, quoiqu'un peu grande, mais bien trop maigres. Aaron aimait un minimum de formes, il aimait caresser des fesses bien rondes, des hanches plus prononcées, il avait envie de quelu'un de pulpeux ce soir et aucune d'entre elles ne rentraient dans cette catégories.

Il s'approcha du bar pour commander un whisky pur sans glace, une vraie boisson d'homme, une boisson virile, qualificatif qui faisait bien défaut à cette soirée. Une fois servi, il s'adossa au bar et contempla l'assemblée, le regard dans le vide. Il se demandait bien ce qu'il était venu faire, il ne connaissait personne et il n'était pas d'humeur à aller flatter quelques égos surdimensionnés. Il secoua la tête, dépité du spectacle affligeant d'une société qu'il méprisait pour ce manque de sincérité, tous à prétendre être des gens respectables alors qu'il savait très bien que la plupart d'entre eux tapaient des rails de coke dans les toilettes ou allaient payer des escorts en catimini. Ce monde là, de la dépravation, il le connaissait, et il l'assumait. Peut-être avait-il beaucoup de défaut, mais au moins, il était fidèle à lui-même. Alors qu'il s'apprêtait à poser son verre et prendre ses clics et ses clacs, une splendide jeune femme avait pris ses quartiers à côté de lui. Elle était d'une classe inégalable, bien plus belle que toutes ces pseudo-bombes sexuelles qu'on nous présente dans les magazines. Elle avait cette beauté naturelle dont toutes les femmes rêvaient, des traits fins, de grands yeux dans lequel n'importe quel homme se perdrait et un grain de beauté sur la joue qui la rendait très sexy.

"Bonsoir... Je vous offre un verre ?"

« La haine, comme l'amour, se nourrit des plus petites choses, tout lui va. »

Cible en vue.

Jillian était arrivée la première sur les lieux afin d'inspecter les moindres détails. Tout se devait d'être parfait, il en valait de sa réputation. En entrant dans la salle festive, elle fut soulagée de voir que l'équipe de décorateurs avait respecté ses consignes à la lettre. Elle ne put cependant pas s'empêcher d'aller et venir, réajustant au passage l'une des draperies immaculées, déplaçant plusieurs fois l'un des bouquets d'hortensias, qui embaumaient la salle, pour finalement le remettre à sa place initiale. Lorsqu'enfin, elle s'arrêta pour contempler le résultat, elle parut satisfaite. Tout était exactement comme elle l'avait imaginé, comme elle l'avait orchestré. Il ne lui restait plus que quelques heures pour se préparer elle-même. Avec un peu de chance et à la suite de cette soirée de lancement, elle allait pouvoir signer un contrat d'exclusivité avec la grande marque qui l'avait engagée à l'essai.
Deux heures s'étaient écoulées depuis son inspection de la salle, Jillian de retour sur les lieux sentit son coeur battre dans sa poitrine à la vue de tous ces gens importants regroupés devant l'entrée- hommes d'affaires et célébrités confondus poursuivis par un essaim de photographes. L'heure de vérité avait sonnée. Elle sortit de la voiture, réajustant sa robe fourreau  noire. Son choix s'était porté sur une pièce de Vera Wang - intemporelle et sobre qu'elle avait accompagnée d'escarpins Jimmy Choo également noirs. Seule touche de couleur, sa pochette corail assortie à son rouge à lèvres. Ses cheveux quant à eux ,surelevés en un chignon sophistiqué, dégageaient sa nuque. Alors qu'elle s'avançait, Jillian sentit les premiers regards se poser sur elle. Elle se composa aussitôt un sourire malgré le stress évident qui l'envahissait. Après s'être prêtée au jeu des photographes avec deux ou trois invités, elle franchit l'entrée.

Son coeur sembla faire un nouveau bond lorsqu'elle entendit la clameur enthousiaste qui envahissait la salle. Les gens affichaient de larges sourires et profitaient du buffet ainsi que des services du bar. Elle salua quelques invités qui la saluèrent en retour, la félicitant au passage pour l'organisation. Ravie de l'effet produit, Jillian les remercia chaleureusement avant de se mettre en quête de trouver la directrice de la marque. L'avis de cette dernière allait être décisif; mais on informa bientôt Jillian que la principale interessée n'était pas encore arrivée.

Cette information eut le don d'inquiéter un peu la jeune organisatrice, qui se demandait déjà quel empêchement était survenu empêchant la présence de la directrice à son propre lancement de produit. Décidant qu'il était temps pour elle de prendre un rafraichissement pour chasser ses idées noires, Jillian se dirigea vers le bar et s'apprêta un interpeller l'un des serveurs lorsqu'un jeune homme s'adressa à elle - en lui proposant de lui offrir un verre - avait-il non seulement remarqué que la consommation était gratuite? Elle se tourna tout de même en sa direction et le détailla du regard. Grand, plutôt bien fait de sa personne, il semblait ne pas être accompagné . Typiquement le genre de Don-Juan qui se rendent seuls aux soirées pour finir la nuit en charmante compagnie . Rien d'original en soit, Jillian finissait par les reconnaître à force de soirées. Elle esquissa un joli sourire :

- Un peu facile vu que la consommation est aux frais des organisateurs. Mais je ne vais pas vous enlever ce plaisir, un French Martini sera parfait.

« La haine et l'amour sont si proches. La passion nous charrie sans ménagement de l'une à l'autre. La haine serait-elle donc la plus violente, la plus exacerbée des formes de l'amour ? »

Cible en vue.

La jeune femme souligna le fait que les boissons étaient gratuites, donc qu'il pouvait arrêter ma tentative de passer pour un vrai gentleman. Ceci dit, elle accepta de boire un verre avec lui, ce qui, en soi était ce qu'il cherchait. Elle commanda un french martini, typique. Alors que le barman lui servait sa commande, Aaron demanda quant à lui un deuxième whisky sans glace. Il ne pouvait s'empêcher de poser les yeux sur la belle demoiselle assise à ses côtés. Elle dégageait quelque chose de différent, clairement elle avait un caractère fort et Aaron savait d'ores et déjà qu'il aurait du mal à la séduire avec son petit numéro habituel, celui qu'il réserve à toutes ces filles de d'habitude, celles qu'il ne rappellera jamais. Elle, il la voulait, parce que par son attitude, elle le mettait au défi. Il lui tendit la main en lui esquissant un petit sourire "Aaron McCauley."

Il sentait bien qu'elle n'allait pas lui faire la conversation, qu'il allait devoir trimer dur pour réussir à ne serait-ce qu'imaginer un quelconque rapprochement avec la belle. D'habitude peu bavard, le beau blond allait devoir cette fois lancer la conversation :
"Je déteste ce genre de soirées, tout le monde est là, les cheveux tirés à faire des courbettes à n'importe qui pour être bien vu, à manger des petits fours qui ont tous le même goûts et à boire du champagne d'une qualité qui reste à prouver. C'est d'un ridicule..." Il ne pouvait cacher cette expression de dédain sur son visage, s'il pouvait, il leur vomirait son whisky sur les chaussures pour voir la tête qu'ils feraient tous ces gens coincés qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez. Ou alors il devrait peut-être mettre un peu d'extasie dans leurs verres. Il souriait à ses propres bêtises. Il se tourna vers sa proie et continua "N'êtes vous pas d'accord ?"

La réponse fut nette et sans bavure, et pour une fois, Aaron s'était bel et bien planté d'approche. Il avait tapé dans le mil, mais clairement pas de la meilleure des façons. Lui qui voulait l'impressionner, il l'avait faite fuir. En temps normal, il aurait laissé la fille s'en aller, et serait aller en approcher une autre, mais cette femme-là l'intriguait, il ne la laisserait pas s'en aller sans même avoir eu l'occasion de lui montrer qu'il n'était pas qu'un râleur, il avait de nombreuses autres qualités, il supportait très bien l'alcool, il n'avait aucune pitié et il était un très bon amant, totalement de quoi faire chavirer les femmes. "Attendez" hurla-t'il à travers la salle tandis que sa belle s'éloignait.