En sortant de cours, Albane n'avait pas daigné rentrer directement chez elle. Non pas qu'elle était toute aussi peu enthousiaste à l'idée de rentrer qu'elle ne l'était lorsqu'elle habitait chez cette espèce de famille d'accueil, seulement sa meilleure amie lui avait proposé de rester un peu dehors. La blondinette avait dit à ses parents qu'elle finissait une heure plus tard, histoire de pouvoir traîner. Albane avait apprécié la marque de rébellion, un peu surprise peut-être que ce petit ange sur pattes soit capable d'une telle manipulation... Appréciant toutefois l'initiative, elle s'autorisa un peu de répits en s'installant au soleil riant de bon coeur avec son amie. Mais bientôt, elle regarda sa montre; sa soeur allait commencer à s'inquiéter. Elle se releva alors d'un coup, déposant un bisou sur la joue d'Aléa. « Faut que j'y aille la mioche, ma soeur m'attend. » Albane détestait prétendre se plier à une quelconque règle, mais avec Delilah, ce n'était pas pareil. Elle adorait sa soeur, l'admirait, alors étonnement, elle ne voulait pas la décevoir. Elle était sa vie, tout ce qu'elle avait, tout ce qu'il lui restait, et son regard lui importait plus que n'importe lequel sur cette terre. Alors si lui faire plaisir consistait à rentrer à l'heure, tant pis, elle ne ferait pas la fête jusqu'à cinq heures du matin. Elle serait là à l'heure du dîner.

Rentrant à pieds, Albane accéléra toutefois son pas de sorte qu'elle ne soit pas en retard. Lorsqu'elle entra dans la maisonnette, la lycéenne fut accueillie par la voix chaleureuse de sa grande soeur. « Pile à l'heure moustique! Allez, manges avant que ton chat ne se régale. » Riant légèrement à ses dires, la brunette déposa sa veste sur le porte-manteau de l'entrée, cherchant ensuite le chat dans le salon. « Minouuu? ça va, tatie Lilah t'a pas fait trop de misères mon chat? » En trouvant le petit chaton, la jeune Everdeen le prit dans ses bras, déposant un bisou sur le sommet de son petit crâne en regardant sa soeur en coin d'un air malin suite à sa réflexion. Elle s'approcha de la table pour y voir deux sandwichs certainement préparés avec amour... mais elle n'avait pas faim. ça faisait un moment qu'elle n'avait pas eu faim, à vrai dire. C'était venu petit à petit. D'abord elle n'avait pas ressenti le besoin de manger, puis elle en était arrivée à en être presque dégoûtée de la nourriture. Elle esquissa toutefois un sourire, veillant à ce que sa soeur ne sache surtout pas qu'elle n'avait pas envie de toucher à sa préparation. Même si elle appréciait le geste. « Oh mais le pauvre, tu ne vas pas priver le chat d'un si bon repas?! maîtresse indigne. » Commença-t-elle par plaisanter, souhaitant à tout prix que sa soeur ne s'inquiète pas du fait que Albane s’apprêtait à décliner sa proposition. « Non sincèrement, c'est super sympa mais j'ai pas du tout faim... » Elle déposa alors le chat sur le sol, relevant ensuite le regard vers Delilah, bien décidée à étayer son argumentation dans l'espoir que la jeune femme la laisserait échapper à ce repas sans trop de questions ou doute. Elle ne tenait vraiment pas à ce qu'elle commence à s'inquiéter de ses "troubles alimentaires". D'ailleurs, Albane était certaine qu'elle n'avait aucun problème, juste une lubie passagère tout à fait contrôlable. Et puis elle n'avait pas faim, il n'y avait aucune raison de manger, point final. Alors elle ne voulait pas entendre de discours moralisant et trop protecteur, alors que c'était son corps, c'était elle qui décidait. Delilah n'avait pas de quoi s'inquiéter, mais une chose était sûre, si elle apprenait quand était la dernière fois que Albane avait eu un véritable repas, elle hallucinerait. Généralement, la brunette prétextait manger dans sa chambre -et finissait par jeter sa tranche de jambon à la poubelle, ou le donner à son chaton préféré, qui lui était utile qui plus est-, ou bien elle disait à sa soeur qu'elle s'était fait à manger, lorsque Delilah rentrait tard du boulot. Là encore, elle devrait redoubler d'imagination. « Je suis restée avec Aléa, on a grignoté, désolée... si j'avais su que t'avais fait à manger j'aurais pas bouffé comme une grosse! » encore un petit rire rassurant. « Je le garderai pour demain en cas. » Et demain elle devrait trouver une autre excuse... ou espérer que le chat le plus beau de la terre -le sien- aimait la tomate. « Mais j'peux te tenir compagnie! tu me raconteras ta journée. » annonça-t-elle en s'installant sur un tabouret non loin d'elle, ayant à vrai dire hâte de tout savoir de la journée de sa soeur; passionnante ou non, Albane serait passionnée.