SILAS E. KINGSLEY ft. francisco lachowski
Je ne savais vraiment pas ce que je faisais là. Si je n'avais pas un loyer à payer c'était sûr que j'aurais jeté mes affaires d'employé à l'abruti qui me servait de patron. Je n'avais pas ma place là, perdu derrière le comptoir de ce fichu Starbuck que j'aurais appris à détester si je n'aimais pas tant les cafés servis ici. Presque en train de m'endormir sur le comptoir, c'est une cliente impatiente qui me réveilla en pressant violemment mon épaule sans aucune douceur. «Allez-y mollo, vous allez finir par m'arracher le bras. Bon alors, vous prendrez quoi ? » C'est un regard hautain que la belle brune darda sur moi avant de soupirer comme si je l'exaspérais. Terriblement amusé, je prenais sa commande en signifiait à mes collègues ce qu'il fallait servir. Une fois qu'elle parti attendre sa boisson je m'affalais à nouveau sur le comptoir prêt à me rendormir. Je n'aimais pas mon boulot et je ne voyais pas pourquoi j'aurais dû me donner un tant soit peu dans cette activité dénuée de sens qu'était de servir des clients presque tous aussi antipathique qu'un mur quand on est saoule. Affalé sur le comptoir, je tapais machinalement un rythme à l'aide de ma main droite en attendant qu'un nouveau client vienne me tirer de mes pensées sans raisons. Totalement absorbé parce que je faisais, je ne remarquais pas que la belle brune revenait à la charge, ni même qu'elle avait l'air de bouillonner de rage. C'est sans prévenir qu'elle me renversa son café encore brûlant sur le crâne en grognant : « La chica muy guapa te dit d'aller te faire voir espèce de con. » Me redressant, c'est légèrement énervé que je regardais la petite idiote qui laissa tomber son gobelet vide sur le comptoir avant de tourner les talons et de sortir du Starbuck. Enervé, je passais par-dessus le comptoir avant de courir après cette petite conne qui avait eu le don de me mettre de mauvaise humeur. « Tu crois sérieusement que parce que tu l'as décidé tu peux te casser après m'avoir renversé ton café sur la tronche. Joues pas à la princesse et arrêtes toi tout de suite ! » Pour seule réponse j'eu droit un haussement d'épaule avant qu'elle ne me montre son majeur tendu bien haut. Fulminant, j'accélérais la cadence pour rattraper cette fille qui se prenait pour le centre du monde. Sans crier gare, je l'attrapais par la taille avant de la soulever : « Dégage espèce d'obsédé, lâche moi tout de suite ou j'appelle à l'aide ! » Levant les yeux au ciel, elle avait qu'à crier, je m'en foutais. Je me dirigeais vers le Starbuck devant le regard choquer des passants qui nous fixaient, la jeune femme en train de me taper violemment le dos, pour que je lâche prise, et moi. Je rentrais naturellement au Starbuck avec l'idiote sur l'épaule sous le regard choqué de mes collègues ainsi que de certains clients pendant que d'autres ne se cachaient même pas pour rire. « Bon, maintenant tu vas nettoyer tout ça la chica muy guapa. » Une fois que je la reposais au sol, la jeune femme me jeta un regard noir avant d'essayer de s'enfuir, mais je lui bloquais bien vite le passage jusqu'à la porte. « Et frottes assez fort faut que ça brille ! »



J'avais beaucoup trop bu, assis à même le sol, je me faisais dévisager par des gens trop bien pour moi, le pauvre petit serveur de café du coin qu'avait pas d'avenir. C'est en écrasant un énième mégot de cigarette que je finissais la bouteille de vodka qu'un ami m'avait donné en me disant de pas la finir et qu'il allait arriver. Ca devait faire une heure que j'attendais là. Perdu au milieu de nulle part alors que je contemplais le spectacle qu'offrait le ballet de la lune. J'avais beaucoup trop bu, du sang avait séché autour de mon nez qui devait peut-être être fracturé. Comme d'habitude j'avais réussi à me trouver des plans totalement débiles et à me faire battre avant de me faire jeter d'un bar. J'avais une certaine réputation à entretenir dans le coin. Je tenais bien l'alcool mais ça me faisait faire des conneries. Abandonné sur le trottoir, pauvre échoué perdu dans le noir, j'attendais mon pote qui, je le savais, ne se pointerait jamais. J'aurais surement mieux fait de me traîner jusqu'à ma piaule, mais je n'en avais pas la force, puis je crevais la dalle. C'est alors que j'aperçu un groupe de filles vêtues de fringues qui resteront toujours trop chères pour moi. Il me fallu un certain temps pour reconnaître celle qui semblait être la leadeuse. Complètement saoule, c'est d'une voix tremblotante que je criais : « Hey Charlie ! Alors on sort ce soir ? » Les deux pétasses qui accompagnaient l'hystérique qui semblait toujours avoir une dent contre moi se mirent à chuchoter je ne sais quoi alors que Charlie levait ses yeux au ciel, exaspérée comme elle l'était souvent en ma présence. « T'es qui toi ? Je traine pas avec des épaves, alors l'ivrogne tu nous lâches, à part si tu mendies, si c'est ça je peux te filer dix dollars. » J'avais finalement décidé de m'adosser au grillage dans mon dos pour fermer les yeux quelques instants. J'ai l'impression que quelques secondes s'étaient écoulées, pourtant quand je rouvrais les yeux, je pu remarquer que Charlie était installée à côté de moi et fumait une clope déjà largement entamée. « Alors, on traine avec les mendiants ? » Soufflais-je plus amer qu'en colère. J'arrivais pas à comprendre cette foutue fille. A un instant elle me renversait son café sur la gueule, la seconde d'après elle me filait son numéro. Elle me repoussait comme un malpropre puis venait pleurer dans mes bras au sujet de sa vie trop parfaite. Elle me traitait de mendiant puis revenait vers moi pour je ne sais quoi. Quelque chose ne tournait vraiment pas rond dans sa tête. « Tu sais bien que je voulais pas dire ça Silas. » « Mais tu l'as dit et c'est ce qui compte pour le moment. » La belle tourna sa tête vers moi pour poser un regard lassé sur mon visage me laissant à loisir découvrir les marques que son mascara avait faits sur ses joues en coulant. J'étais peut-être un peu paumé. Je me donnais parfois l'impression d'être une épave, d'être déchiré comme je le disais souvent, mais elle, elle c'était pire. Elle était seule avec ses démons et ne semblait rien comprendre de ce qui se passait autour d'elle. « Je suis désolé, mais tu sais bien qu'avec ce genre de fille il y a que les apparences qui comptent et t'es... » Etonné, je regardais la jeune femme sans comprendre ce qui venait de se passer. Non, je n'étais pas un mendiant et si elle me connaissait. Depuis quand elle ne me calculait même pas ? C'est sous les rires cristallin de ses deux toutous qu'elle disparu au coin de la rue, me laissant derrière elle comme une épave qu'on aurait laissé à la mer. J'étais ... « Définitivement pas assez bien, je sais. » J'avais l'impression de m'être pris une douche froide, ou bien une claque. La belle venait de me mettre métaphoriquement son poings dans la gueule et je pouvais le dire, ça faisait mal. Soupirant, je regardais une seconde le ciel et le lampadaire qui nous surplombait avant de poser mes mains sur le grillage pour me redresser. « J'ai pas envie de gueuler, ni même de m'énerver. Mais à la fin de la nuit c'est dans mon lit que tu viens pleurer, c'est pas auprès de ses filles là que tu cherches du réconfort, l'oublies jamais Charlie, parce que je pourrais partir. C'est pas parce qu'on t'as toujours donné et que t'es une gamine pourrie gâtée que je me casserais pas un jour. » C'est presque totalement dessaoulé que je me mettais à marcher en direction de ma piaule en laissant la jeune femme là. Je n'étais pas le seul à devoir jongler avec ses démons, mais parfois je ne pouvais pas supporter ceux de Charlie, j'étais déjà assez perdu sans qu'elle n'en rajoute une couche.